7/10Tangente - L'aventure mathématique

/ Critique - écrit par Kei, le 09/05/2006
Notre verdict : 7/10 - T(x) = f'(a) (x - a) + f(a) (Fiche technique)

Tags : tangente livres mathematiques auteur prix etat mathematique

N'ayez pas peur ! Non, Krinein ne s'est pas transformé en webzine mathématique, et ce n'est pas demain que vous verrez des bannières publicitaires vantant les mérites du théorème de Cauchy-Lipschitz sur votre site préféré.
En revanche, il y a sans doute fort à parier que pendant vos années de lycée, vous avez eu peur de ce magazine sur la couverture duquel pavane le mot « mathématiques », et que vous avez alors pris la tangente (ha ha) pour aller feuilleter une autre revue sur laquelle les images étaient plus attrayantes.
Et vous avez eu tord.
Et le tort tue. Enfin pas tant que ça puisque vous lisez ces lignes (et promis, j'arrête ces blagues)

Tangente est bien plus qu'un magazine qui aurait pour but d'exposer les dernières théories à la mode sur par exemple la théorie des cordes, à laquelle vous ne comprenez absolument rien et moi non plus (je m'excuse d'avance auprès de tous les matheux qui me liront, mais leur vendre Tangente, ce serait prêcher à des convertis). Tangente est un magazine de vulgarisation mathématique. Et il y a un monde entre les mathématiques que vous avez pu faire sur les bancs du lycée, la fac ou autre et celles dont il est ici question. Jamais vous ne trouverez dans Tangente des théorèmes à la pelle, avec leurs démonstrations et une application. Vous n'y trouverez pas de longues explications à propos de théories complexes. Mais vous y trouverez des mathématiques ludiques.

Tangente parle de maths (pardonnez cette familiarité avec cette auguste discipline, mais le mot est bien long) comme un magazine de modélisme parle de modèles réduits d'avions : comme d'un loisir, comme d'un hobby.
Bien sur, on y parle de découvertes, de démonstrations, mais pas de manière scolaire. Il s'agit de vulgarisation, et il faut donc le rendre accessible au plus grand nombre. Ceci dit, il ne faudrait pas non plus aborder la lecture d'un exemplaire de Tangente en pensant se distraire. La difficulté de la vulgarisation réside dans la capacité à rendre accessible un document sans pour autant le vider de son contenu, et c'est impossible si le lecteur n'a pas un niveau de connaissance minimal. En abordant Tangente, il faut donc avoir un certain bagage mathématique. Encore une fois, ce n'est pas un bagage scolaire qu'il faut : un élève de maths sup. ou maths spé. trouvera la plupart des articles « techniques » (ils ne le sont pas tous, nous y reviendrons un peu plus tard) un peu creux, alors qu'un élève de terminal les trouvera d'une grande difficulté. Ce qu'il faut, c'est de la curiosité pour les maths. Prenons par exemple le numéro de janvier-février 2006 (si vous avez lu la fiche technique, vous savez déjà que Tangente est un bimensuel) et l'article sur les polynômes de Lagrange. Le lycéen pour qui les polynômes sont synonymes de b²-4ac sera sans doute un peu perdu. Le taupin trouvera l'article assez simple. Le curieux verra enfin une explication aux constructions de courbes passant par un ensemble de point. L'approche n'est pas la même, et cela fait toute la différence.

Je disais un peu plus haut que tous les articles n'étaient pas techniques. Prenons un numéro quelconque : celui sur les surfaces (mars-avril 2006). Au vu de la complexité du sujet, un numéro qui ne parlerait que de cela sans intermède aurait tôt fait de donner mal au crâne à la plupart des lecteurs, et les dégoûterai à moitié par la même occasion. Les auteurs de ce bimensuel l'ont bien compris, et c'est pour cela que ce dossier ne prend « que » 14 pages sur la cinquantaine que compte le magazine.

De quoi est donc fait le reste ? De jeux et de défis par exemple. Attention, il n'est pas question de nous jeter un pauvre sudoku en pâture. Il s'agit généralement moins de jeux de nombres que d'énigmes utilisant les mathématiques pour être résolues. Ces jeux côtoient des agendas énumérant les grands (et moins grands) évènements mathématiques des deux mois à venir, des conseils de lecture, un peu d'histoire des mathématiques, des portraits de mathématiciens (qui sont souvent des gens hauts en couleur, en dépit de l'image d'austérité qu'on leur colle généralement). Dans ce numéro (celui sur les surfaces), on trouve même une visite d'Oxford.
Et comme dans la plupart des magazines, on trouve l'inévitable courrier des lecteurs. Et je dois bien dire que j'ai été très surpris par ces lettres, et surtout par leurs réponses. Sur les trois lettres publiées ou en tout cas mentionnées (elles ne sont jamais recopiées telles quelles, ce qui peut paraître douteux au premier abord, mais lisez la suite et vous verrez qu'il n'en est rien), 2 sont des lettres de reproches. Etonnant non ? D'autant plus qu'elles ont été digérées par la personne qui écrit la rubrique. Et au lieu de les édulcorer, ce qui serait une démarche logique (mais peu reluisante, je vous l'accorde), les reproches et critiques sont mentionnées et mises en valeur. Elles sont suivies d'excuses ou de rectification, bien sûr, mais cela reste une grande marque d'ouverture d'esprit. Pour illustrer mon propos, je cite les deux rédacteurs qui s'occupent de la rubrique : « [notre lecteur] fait une liste détaillée de coquilles [...] Fautes d'orthographe, formules massacrées, et erreur de fond ». Une telle honnêteté est vraiment appréciée.

Résumer Tangente est bien difficile. Si vous voulez vraiment vous faire une idée sur le magazine, et si vous voulez savoir s'il est fait pour vous, achetez en un exemplaire ou empruntez en un. Mais n'en feuilletez pas un dans une quelconque maison de la presse.

Pour terminer, je parlerai rapidement du coté « matériel » du magazine. Tangente, c'est une cinquantaine de pages une fois tous les deux mois, pour 5.90€. Si du point de vue du contenu, le magazine est (presque) irréprochable, ce n'est pas la même chose pour la maquette. Elle est terriblement morne et terne. Mais elle a le mérite d'être claire, et de toutes façons, on n'attend pas forcément une oeuvre d'art d'une publication scientifique, mais cela ne ferait pas de mal de la rendre un peu plus attrayante.