7/10Skyland - Saison 1, 1ère partie

/ Critique - écrit par gyzmo, le 27/01/2007
Notre verdict : 7/10 - La série (Fiche technique)

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Lire la critique de la série d'animation Skyland (1ère partie)

Skyland en apesanteurAvant d'avoir fait l'événement à la sortie de leur film d'animation Renaissance en avril 2006, les scénaristes Alexandre de la Patellière et Mathieu Delaporte avaient déjà fait parler d'eux quelques mois auparavant via le pilote d'une série animée d'envergure : Skyland, Le Nouveau Monde. Après sa diffusion sur les ondes télévisuelles internationales, cette production francophone remporta un franc succès auprès des jeunes téléspectateurs de l'émission Kd2A, sur France 2. Beaucoup d'entre eux ne sont probablement pas passés à côté du coffret 3DVD édité chez mk2 et comprenant la première partie de la première saison (pourquoi faire simple lorsqu'on peut faire compliqué ?). A son bord, 13 épisodes proposés en qualité optimale et accompagnés de quelques bonus, du making of 2451. Bienvenue sur Terre aux commentaires audio du réalisateur Emmanuel Gorinstein et son équipe, en passant par de magnifiques galeries d'images ou des séquences explicatives intéressantes (story-board, conception d'un décor 3D). Une parution techniquement impeccable, pour un anime visuellement monumental.

Mais pour le reste, qu'en est-il ?

Non content d'avoir été pulvérisée en millions de parcelles de terrain en apesanteur et privée de ses océans suite à un mystérieux cataclysme, l'ex petite planète bleue, rebaptisée « skyland » pour l'occasion, doit se plier à l'administration de la Sphère, dictature de gros vilains dirigée par l'abominable Oslo. Au-delà du contrôle stratégique des maigres ressources d'eau, ce fanatique complet aux pouvoirs seijins dévastateurs a pour dessein de figurer dans le top deux des élus de la Prophétie, laquelle accordera la suprématie totale sur l'univers aux deux Seijins qui choisiront de marcher ensemble vers cet hypothétique chemin. D'après Oslo, c'est d'ailleurs une ancienne connaissance à lui, Mila, qui est pressentie pour le rôle du pendant messianique. Seul hic : cette dernière n'a pas du tout envie de partager les désirs du despote. Voilà comment cette insoumise se retrouva enfermée dans les profondeurs obscures des geôles d'Oslo. Heureusement pour elle, ses enfants - l'insupportable ado Mahad et sa soeur Lena (détentrice d'un immense pouvoir seijin en gestation), n'auront alors de cesse de tenter de la retrouver, aidés par Cortes, le pirate des airs et chef de la Résistance...

Lena
Lena
Soyons clair tout de suite : l'empreinte de Skyland est à des années lumières de ce qui se fait en matière d'originalité. Dans la forme comme dans le fond, les références que le vent a soufflé à l'oreille grande ouverte de ce projet d'animation n'échapperont pas à l'ouïe fine des habitués de la saga Star Wars de George Lucas, ou du Château dans le Ciel (2003) de l'incontournable Hayao Miyazaki. A ces deux majestueuses sources d'inspiration, flagrantes car intentionnelles, pourraient s'ajouter d'autres airs inspirateurs... ou du moins, avec lesquels les correspondances se montrent fortes. Sans passer sous silence le thème ultra usagé du totalitarisme à combattre ou de la pénurie d'eau en SF - Waterworld (1995) étant une de ces réalisations symptomatiques, le contexte de la planète éclatée en mille morceaux n'est pas non plus la trouvaille du siècle. L'excellente série animée Chasseurs de Dragons (2005) avait déjà emprunté, sûrement dans le sillage d'autres, une voie similaire avec autant, si ce n'est plus, de réussite. Quant aux somptueux designs des vaisseaux flibustiers de Skyland, ceux du film La Planète au Trésor (2002) - l'adaptation Disney du bouquin de Stevenson, ont peut-être conduit les concepteurs à propulser dans les airs ce qui, normalement, à besoin d'eau pour bourlinguer. A moins que le jeu de rôles Skies of Arcadia (2000), semblable sur de nombreux points, ne soit derrière tout cela ? Et pourquoi pas l'Atlantis d' Albator (1978) tant que nous y sommes ? Bref... Le rendu 3D style « cartoon » pour les personnages et leur intégration dans un environnement « peint à la main », eux aussi, ne sont pas sans rappeler les techniques caractéristiques employées par le jeu vidéo Runaway : a Road Adventure (2003). Le résultat n'est d'ailleurs pas toujours agréable, faute à une gestion brouillonne des projections d'ombre sur l'ensemble des protagonistes. Mais malgré toutes ces résonances et petits défauts - dont la liste est loin d'être exhaustive, la mise en scène nerveuse et les jolis choix esthétiques de la série en font une fantastique prouesse artistique qui en met plein les mirettes : la vision lyrique ou cauchemardesque de certains décors (dont celle d'un Paris à la dérive) ; le mélange ingénieux et trompe-l'oeil des magnifiques peintures numériques et des images tridimensionnelles (procédé expliqué dans les Bonus) ; l'utilisation habile de la motion capture (idem) ; le doublage voix, excellent, et les accompagnements musicaux, parfois très beaux... Côté qualité, la liste gagnerait également à être extensible.

Mahad l'insupportable
Mahad l'insupportable
La trame principale est sans cesse repoussée par des rebondissements un tantinet faciles (il faut bien tenir en haleine sur plusieurs saisons...), si bien qu'elle n'a pas vraiment avancé d'un auriculaire à la fin du treizième épisode. Les différents chapitres précédents, quant à eux, s'articulent souvent autour de situations secondaires plus ou moins rocambolesques qui définissent assez bien la topographie variée et magique de Skyland. Certains moments d'action, de suspens et d'émotions sont efficaces, tout en restant bateau. Le manque d'enjeux réellement dramatiques tend cependant à faire de Skyland une oeuvre répétitive et légère, ce qui ne coïncide pas toujours avec la noirceur de certaines de ses atmosphères environnementales, propices à toucher du doigt la tragédie. Pour l'instant, les scénaristes, conscients de s'adresser avant tout à des gamins, ne s'embarrassent pas de nuances et de subtilités, excepté peut-être dans l'épisode Roches Rouges, dans lequel les circonstances particulières haussent un temps le niveau de la série. Cela dit, globalement et fidèle aux conventions du dessin animé ciblé tous publics, la démarcation entre les méchants et les gentils demeure tracée à la règle, pour ne pas dire trancher à la hache. L'humour primitif et l'abondance de clichés vont bon train. Le jeune Mahad, par exemple, est la caricature type d'un adolescent en pleine crise : arrogant, inconscient, individualiste, dragueur et bouffon à deux balles. En plus de ces « qualités », son point noir ultime est assez rédhibitoire : il n'apprend pas de ses erreurs, n'évolue jamais d'un épisode à l'autre. Pour le spectateur adulte moyennement constitué que je suis (et accessoirement rigide dans l'âme), ce condensé de bêtises est un vrai supplice à chacune de ses apparitions... et elles sont nombreuses. Pour l'enfant qui sommeille encore en moi (mais alors dans des profondeurs très abyssales...), sans doute, ce Mahad aurait pu être une sorte de héros modèle... un peu pâle à côté de Ken le survivant, je vous l'accorde, mais pas si éloigné que cela du Télémaque d' Ulysse 31 (1981). Toujours est-il que chaque personnage de Skyland est doté d'un caractère lisse, superficiel et facile d'accès, le genre même qui ne désorientera jamais un jeune auditoire. Du coup, le « message » délivrait par cet anime ne possède qu'un niveau de lecture rudimentaire (chargé à bloc de bons sentiments) et seuls les bambins d'un certain âge risquent d'y trouver leur bonheur. Tant pis pour les gourmands du second degré et des camouflages de l'impertinence.

Paris revisité
Paris revisité
Skyland
apparaîtra aux yeux des plus difficiles comme une synthèse - maîtrisée, pour ma part - de tout un tas d'autres créations gouvernées, à la base, par un script des plus ordinaires (et peut-être même rébarbatifs...). Les enfants et ceux qui ont gardé leur âme de gosses, à coup sûr, se régaleront de cette aventure entretenue par une conscience écologique pas bouleversante mais non négligeable. Et puis cela faisait tellement longtemps qu'une série animée d'origine française n'avait pas atteint un tel niveau visuel et sonore, qu'il serait dommage de rouspéter jusqu'au bout, non ? Alors, petit caillou admirablement briqué (pour les uns) ou monolithe imposant (pour les autres) apporté à l'édifice de la science-fiction télévisuelle, la série d'Emmanuel Gorinstein mérite bien quelques encouragements. Car le périple de Léna et Mahad n'en est qu'à ses débuts. La seconde partie de la première saison (prochainement diffusée sur Kd2A), espérons-le, embarquera ces jeunes héros vers de nouvelles parcelles imaginaires ou référentielles encore plus époustouflantes, délivrant un peu plus des secrets de Skyland, avec un soupçon d'audace et de prise de risque en guise de toile de fond, et des protagonistes pas seulement gentils ou méchants, des personnages plus complexes et imprévisibles, donc, et surtout, par pitié, un Mahad beaucoup moins caricatural... Oh, oh, ce serait le bonheur !

Visuels © mk2 éditions