7/10Masterchef

/ Critique - écrit par Amiral, le 29/08/2010
Notre verdict : 7/10 - Sucré salé (Fiche technique)

Tags : masterchef saison chef cuisine emission couteau ustensiles

Depuis la semaine dernière, c'est la rentrée. Pour bien se démarquer, TF1 a mis les pieds dans le plat en misant sur LE concept tendance du moment : la cuisine.

Depuis la semaine dernière, c'est la rentrée. Pour bien se démarquer, TF1 a mis les pieds dans le plat en misant sur LE concept tendance du moment : la cuisine. L'intransigeance du ninja Demorand
L'intransigeance du ninja Demorand
Car oui, tout le monde le sait, depuis que M6 a imposé
Un dîner presque parfait, les gâteaux de mère Denis font recette au point d'imposer des rediffusions indigestes, qui vont au-delà de l'overdose. Ne soyez pas hypocrites : qui n'a pas vu deux fois le même 100% Mag, les promenades intestinales de Bernard De la Villardière sur la plage de Chypre pour Enquêtes exclusives, les concurrents nantais se notant autour d'Un dîner presque parfait ?

Pour cet événement "sans précédent", TF1 a voulu frapper fort et n'a pas lésiné sur les moyens. Affichages publiques, buzz marketing, site internet ultra hype, bandes-annonces télé dignes de l'arrivée imminente d'une saison exclusive des Experts Miami... Tout y est. Reprenant le concept d'une émission anglaise qui cartonne sur la BBC depuis les années 90, Masterchef veut donner une double claque à l'audimat. 18 000 candidats venus de toute la France s'affrontent pour obtenir le titre suprême. Objectifs ambitieux : changer de vie, suivre des cours de cuisine dans une école prestigieuse,  bénéficier d'une publication assurée pour son premier livre de recettes et ouvrir son propre restaurant avec un chèque de 100 000 euros.  Avec une telle somme, n'espérez pas ouvrir un palace étoilé au MGM Grand de Las Vegas comme Joël Robuchon, mais un petit restaurant sympa où vous ferez des quiches lorraines qui feront pâlir de jalousie toute votre région.

Mais n'est pas roi des fourneaux qui veut... Et le jury est là pour le faire savoir ! Brushing impeccable et le costard cravate bobo,  le chroniqueur culinaire Sébastien Demorand s'impose directement comme le personnage le plus emblématique, juste et irritant de Masterchef. Le frère de Nicolas prouve qu'il a la verve facile et la réplique cinglante entre deux « ah putain, elle est bonne cette connerie ! », lâchés par ses confrères. Excellent connaisseur, conscient des mécanismes et de la rigueur nécessaire pour exceller dans la profession, l'homme allie justesse du goût, jeux de mots et critiques journalistiques surjouées. La sauce parfaite pour pimenter l'émission, mais sans jamais déraper vers la condescendance. Collectionnant les étoiles de l'excellence, Yves Camdeborde et Frédéric Anton sont quant à eux de véritables grands chefs dont les plats ont fait exploser les palais les plus prestigieux. Authentiques, les deux cuisiniers demeurent modestes face à leurs triomphes quotidiens et expriment sans détours leurs avis tout en restant abordable.
Seule Carole Rousseau, endimanchée comme un jour d'enterrement, fait preuve d'une figuration à l'inutilité exemplaire. 

masterchef3_250
Impossible de raconter des salades
Que dire du casting si ce n'est que TF1 donne l'impression de le faire en live plutôt qu'en backstage ? On ne crache pas sur l'authenticité des candidats et surtout leurs plats qui nous donnent véritablement l'eau à la bouche. Face à l'assiette de nouilles en guise de  plateau-télé, le spectateur entend son ventre crier famine. Problème : au vue du nombre important de prétendants, difficile de connaitre la recette de leurs succès en dehors des "hum" et des "délicieux" du jury. Attendons que les caméras se rapprochent des finalistes pour voir si la donne change. 
A noter que plus la sélection est rude, et plus les personnes sélectionnées donnent l'impression de répondre à des critères imposés par la production, notamment celle de l'âge. Est-ce une poignée de retraités amers recalés à l'épreuve de l'épluchage d'oignons qui donnent cette impression ou la réalité ? Est-il crédible qu'une équipe mal organisée ayant préparé un plat en 1h15 puisse remporter les épreuves de rattrapages au même titre que celle qui à fait un excellent menu en 2h00 ? Nous verrons bien. Dans tous les cas, même si la discipline militaire s'impose, le jury privilégie la subtilité du goût avant tout.

Niveau concurrence, le vaste complexe accueillant les candidats présélectionnés fait aussi froid dans le dos qu'un concours national de grandes écoles. Exit la convivialité de M6. La production opte pour un esprit compétitif à grande échelle ressemblant étrangement à A la recherche de la nouvelle star, en pire. Ici, pas de musique pour détendre l'atmosphère. Maîtrise impérative des bases et créativité sont de mise dans ce silence hachuré par le bruit des couteaux mordant les planches de travail. Certains challenges sont impossibles à remplir : personne n'a réussi à écrire 23 mots pour donner la recette du boeuf bourguignon de Camdeborde en 45 secondes. Le processus des éliminations est parfois maladroit : l'immunité des candidats ayant identifié le plus de saveurs est valable deux tours. De quoi empêcher ces derniers de relever des défis tous aussi indispensables pour devenir le gérant d'un restaurant.

masterchef_250
Vaste local frileux où les esprits vont s'échauffer
Masterchef s'avère être un programme intéressant, qui donne envie de dépoussiérer notre cuisinière pour essayer à notre tour de jouer avec les saveurs. Seule ombre au tableau, l'addition salée encourageant la sur-médiatisation de l'événement et la surenchère du programme pour que la chaîne puisse rentabiliser un investissement humain et financier très important. Alors qu'un prime-time serait largement suffisant, TF1 insiste pour que la grande bouffe se poursuive au-delà de minuit en proposant un Masterchef se met à table qui ne sert strictement à rien. Si ce n'est attirer l'attention des bonnes poires égarées qui ont préféré regarder Bones en première partie de soirée.

Il serait cependant de mauvaise foi de ne pas souhaiter bonne chance à l'équipe pour trouver son public. Croisons les doigts pour que la sauce ne tourne pas au vinaigre.