6.5/10Le Fugitif : Doctor Kimble, I presume?

/ Critique - écrit par riffhifi, le 26/06/2011
Notre verdict : 6.5/10 - Première série (1963-1967) (Fiche technique)

Tags : fugitif film kimble richard acteurs gerard jones

Si le film interprété par Harrison Ford a marqué les années 90, on se souvient plus rarement qu’il a été inspiré par une série télé, et a donné naissance à une autre, ainsi qu’à un deuxième film… sans Richard Kimble !

Partant d’un postulat hitchcockien, celui d’un faux coupable pris en sandwich entre la justice et le vrai criminel, le scénariste Roy Huggins et le producteur Quinn Martin démarchent les chaînes 16296-fugitif-doctor-kimble-i-presume-1.américaines des années 60. Rencontrant une bonne dose de réticence à une époque où il n’est pas très bien vu de remettre en cause le système pénal américain en prime time, ils arrivent néanmoins à convaincre ABC de diffuser Le Fugitif à partir de 1963. On y suit les tribulations du docteur Richard Kimble (David Janssen), accusé à tort du meurtre de sa femme ; profitant d’un accident de train sur le chemin qui le menait à la chaise électrique, il prend la fuite et tente de retrouver le manchot qu’il a croisé le soir du crime (interprété par Bill Raisch, un véritable manchot). A ses trousses, le lieutenant Philip Gerard (Barry Morse) fait preuve d’une ténacité de chien de chasse, cherchant à récupérer "son" prisonnier coûte que coûte. Le concept est propice à un suspense haletant, mais les auteurs préfèrent jouer la carte du road-trip tranquille, Kimble rencontrant dans chaque épisode une situation problématique à résoudre : mari violent, accident… Ses capacités de médecin sont souvent sollicitées, et il doit se méfier des gens qu’ils croisent sous peine d’être dénoncé. Le climat de paranoïa se dilue au cours des quatre années que dure la série, et rares sont les histoires dans lesquelles Gerard ou le manchot apparaissent en personne. Lorsqu’arrive la saison 4, la production comprend qu’il est temps de conclure : on passe à la couleur, on convoque Gerard et le manchot plus souvent… et surtout, on termine sur un épisode final ! Dommage qu’il n’y ait pas davantage de continuité dans les intrigues, et que la conclusion sorte d’un chapeau des personnages jamais vus auparavant. Cette dernière année est cependant la seule que les spectateurs français ont pu vraiment suivre, la première n’ayant été que partiellement traduite, et les deux autres étant restées inédites.

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25 ans après l’arrêt de la série, le producteur Arnold Kopelson a l’idée d’en tirer un film à gros budget, un film d’action et de suspense qui en colle plein la vue. Le projet est chaud : pour le rôle de Richard Kimble, on parle de Kevin Costner, Michael Douglas, Alec Baldwin, Nick Nolte ou Andy Garcia ; c’est finalement Harrison Ford qui est choisi, et l'acteur trouve là un de ses rôles les plus emblématiques, avec Han Solo, Indiana Jones et Jack Ryan. Quant au flic qui le talonne, il ne s’agit plus du lieutenant Philip Gerard mais du Deputy Marshal Sam Gerard, incarné par un Tommy Lee Jones lunatique entouré d’une petite famille de sbires. A la réalisation, on trouve un nommé Andrew Davis, élu pour avoir dirigé de solides films d’action avec Chuck Norris (Sale temps pour un flic) et Steven Seagal (Nico, Piège en haute mer). Le résultat est un succès : thriller mêlant habilement intrigue policière, drame et scènes d’action, Le Fugitif se révèle plus efficace en deux heures que sous forme de série, et se voit nommé à l’Oscar du meilleur film tandis que Tommy Lee Jones remporte celui du meilleur second rôle pour sa prestation. Quant à la jeune Julianne Moore, son court rôle de médecin ne passe pas inaperçu, et marque le début d’une belle carrière.

En 1998, une suite voit le jour : dans US Marshals, il n’est plus question du docteur Kimble, désormais en paix avec la justice, mais d’un nouveau fugitif incarné par Wesley Snipes, qui n’est pas encore descendu dans l’enfer des direct-to-video fauchés. Traqué par Tommy Lee Jones et sa clique (Joe Pantoliano, Daniel Roebuck et Tom Wood 16296-fugitif-doctor-kimble-i-presume-3.reprennent leurs rôles, rejoints par Robert Downey Jr.), il cherche à faire la preuve de son innocence comme son prédécesseur… mais il est encore plus doué pour coller des mandales à ceux qui le cherchent ! Misant un peu trop sur la castagne et pas assez sur le scénario, cette suite ne marque pas les esprits et scelle la fin d’une courte franchise. Le réalisateur Stuart Baird, qui venait de passer à la réalisation avec Ultime décision (Steven Seagal inside, encore une fois !), retournera bien vite à sa fonction première de monteur.

Dans la foulée, Leslie Nielsen tient la vedette d’une parodie appelée Le détonateur (Wrongfully Accused), réalisé par un Pat Proft issu de l’équipe des Y a-t-il [insérer un métier et une mission]. Rien d’étonnant à ce que l’humour parte dans tous les sens, sans retenue : le héros Ryan Harrison doit retrouver l’assassin de sa femme, un manchot borgne et unijambiste… le film parodie également Mission: impossible version Brian De Palma, et l’affiche pastiche celle du Pacificateur avec George Clooney. Un des points forts de la filmographie de Leslie Nielsen, qui s’est commis dans bon nombre de productions moins enlevées. Juste retour des choses : Nielsen a joué dans deux épisodes de la première série du Fugitif, bien avant de devenir une star de la comédie loufoque.

16296-fugitif-doctor-kimble-i-presume-4.En 2000, l’idée saugrenue de faire une nouvelle série du Fugitif se base sur le succès du film de 1993 : serait-il donc judicieux d’insérer de multiples scènes d’action pour dynamiser le propos ? Le Kimble incarné par Tim Daly passe son temps à courir et à chuter de hauteurs vertigineuses dès le pilote, et ses entrevues avec le lieutenant Gerard (qui retrouve le prénom Philip mais devient noir, sous les traits de Mykelti Williamson) sont souvent musclées. Les autres ingrédients restent en place : la femme assassinée par un manchot, les sous-intrigues qui requièrent l’attention d’un médecin, etc. On nous gratifie même d’un suspense supplémentaire sous la forme du beau-père de Kimble, qui a embauché des tueurs à gage pour retrouver le fuyard. Rien à faire, le résultat est un bide, et ne survit pas à sa première saison. Du coup, pas de conclusion pour cette version : le dernier épisode se termine sur un cliffhanger.